« La nuit de Noël, priorité aux grands pécheurs ! » : une histoire de Noël véridique, un vrai miracle de Noël qui s’est produit en Pologne communiste, en 1952*…
Le 24 décembre au soir, la nuit tombée, Antoine Tryk, redoutable membre de la police politique, semant partout la terreur, fait irruption dans le presbytère de l’abbé Paul. Avant de lui mettre les menottes, il dévalise son bureau, confisque ses archives, laisse tout sens dessus dessous. L’abbé lui offre gentiment une tasse de thé, car il gèle à pierre fendre. Soudain, il voit par terre un paquet de pain azyme.
« Avant la messe de minuit… »
Déclic en la mémoire atrophiée de ce membre de la police secrète. Sa mère, le seul être qui l’ait vraiment aimé… l’époque où il n’était qu’un petit garçon. Le repas de la vigile de Noël, ce pain que l’on partageait, les grelots du traîneau sur le chemin de l’église, avant la messe de minuit… Il faisait partie de la chorale, ayant une jolie voix. Il avait du mal à se décortiquer de tous ces chandails et foulards dont les tendres mains de la maman l’avaient emmitouflé. « Surtout, ne prends pas froid ! » disait-elle au départ.
L’abbé Paul l’observe du coin de l’œil :
— Voulez-vous qu’on le partage? demande-t-il à brûle-pourpoint. Tryk sursaute, comme si on l’avait démasqué.
— Au diable vos superstitions! siffle-t-il entre ses dents.
Puis, prenant la tasse que l’abbé lui tend en souriant :
— Vous me prenez pour un monstre, comme tout le monde ?
L’abbé Paul réfléchit un instant :
— Monstre ? Non. Mais un malheureux qui croit que personne ne l’aime.
Le mouchard s’esclaffe :
— Allons, vieux corbeau, tu ne me feras pas croire que je suis tellement aimable ?
Assis sur un escabeau face à lui, l’abbé remuait pensivement le sucre dans sa tasse ébréchée.
— D’accord, dit-il, et c’est précisément où Dieu nous étonne et nous choque.
Aimer un sacripant comme vous, tss, tss, tss ! Et pourtant, c’est vrai, il n’y a pas à dire. Il vous aime. J’ose même dire qu’il vous aime tout particulièrement.
— Vous vous moquez de moi ! hurle le sbire en se redressant violemment.
— Mais non, je vous parle sérieusement. Personne ne vous oblige à y croire, mais moi je le sais. C’est à cause de vilains types comme vous et moi qu’il y a une nuit de Noël. Dieu n’est pas descendu parmi nous parce que nous étions propres comme des enfants de chœur, mais parce que nous étions sales et crasseux. J’ose dire que plus nous sommes crasseux et plus nous avons droit à la miséricorde.
« Si, vous êtes un voleur ! »
Maudit déclic qui ouvre des écluses ! Par la brèche béante, d’autres souvenirs s’engouffrent. Antoine Tryk se sent brusquement très mal à l’aise :
— En somme, vous me prenez pour un criminel. Mais je ne fais que mon devoir… et j y crois. Tant que nous n’aurons pas extirpé tous les réactionnaires et tous les fétichistes — dont vous êtes — la Pologne populaire ne pourra prendre son essor. Je ne suis pas un voleur, moi…
L’abbé Paul écoute en remuant les lèvres. Ses yeux bleus flambent d’un soudain éclat :
— Si, vous êtes un voleur, s’écrie-t-il. C’est même cela votre plus grand crime.
D’un bond, le sbire est debout, blême de colère.
— Vous osez, glapit-il, vous avez le culot…
Puis, droit dans les yeux de l’abbé :
— Qui ai-je volé? La main crispée sur la poignée de son revolver, le policier chavire, pris de court. Ses traits expriment un parfait ahurissement. Il retombe dans le fauteuil, fixant l’abbé avec effroi :
» Dieu ? murmure-t-il. J’ai volé Dieu ? Et de quoi, s’il vous plaît ? »
— De vos péchés, sapristi ! s’écrie l’abbé, tout droit devant lui comme un juge devant l’accusé. Ce n’est pas pour des prunes qu’il est descendu sur cette terre, mais pour ramasser, à la pelle, nos pauvres péché s! Les miens, les vôtres, ceux du mande entier ! Si on les lui refuse, on le vole, et on enlève tout son sens à Noël.
Vous ne vous sentez jamais crasseux, à vous donner des hoquets de dégoût ? Il ne vous arrive jamais de vous mépriser, comme la crapule que vous êtes ? Eh bien, Dieu a voulu endosser cette crasse, il a pris sur lui vos péchés.
« Encore faut-il y consentir! »
Vous êtes libre de dire oui ou de dire non ! Et savez-vous ce que c’est, de dire oui ? C’est Noël dans le cœur et sur terre, mon fils ! C’est l’innocence reconquise, c’est la paix des hommes de bonne volonté, c’est le mystère de l’enfance divine en nous ! Vous avez eu une maman, vous ? N’étiez-vous pas, vous aussi, un petit garçon heureux ? C’est cela que Noël vous apporte. Il suffit de dire oui.
Effondré, le visage hagard, Antoine Tryk fixe avec épouvante la maigre silhouette du prêtre :
— Et si je dis oui, qu’arrivera-t-il ?
— Vous vous confessez !
Engoncées dans les plis et replis de leurs consciences délicates, les benoîtes de La paroisse commençaient à s’impatienter sérieusement, lorsque, vers 11 heures, elles voient l’abbé Paul ouvrir avec fracas la porte de la sacristie et courir à grandes enjambées vers son confessionnal.
— « Encore une de ses audiences particulières ! susurre Madame Z. d’un air navré et digne. A force de ramasser de la racaille, il néglige ses fidèles. »
Sa stupeur prend une teinte scandalisée lorsque l’abbé émerge brusquement du confessionnal et s’écrie, d’une voix tonnante :
— Place aux publicains ! Une nuit comme celle ci, les grands pécheurs en priorité !
Et vous, que pensez-vous de cette histoire vraie ? Venez nous donner votre avis sur le chat’ !
Pour aller plus loin, d’autres histoires de Noël :
- Douce nuit, sainte nuit, chant révolutionnaire soviétique
- La lumière de Noël dans le coffre d’une Fiat Polski
- Par un très froid Noël blanc…
* Source : Marina Winowska, Les voleurs de Dieu, éditions Saint Paul, 2008
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